Index--Articles--A Nostra Storia

A Nostra Storia

Texte de G. Coannet prononcé par GHJ.F. Bernardini en ouverture du concert au Zénith de Paris les 3 et 4 décembre 1993.

" Au début était la paix. Avec des pierres, les Hommes du mégalithique inventaient leurs premiers abris et sculptaient d'étranges Dieux à Filitosa ou ailleurs en Corse. Mais les îles sereines attirent la convoitise des envahisseurs, et vingt fois au cours des siècles, l'île de Corse sera prise d'assaut par des conquérants venus de tous les horizons. Le plus souvent, ils susciteront la haîne et la révolte, contraignant ce peuple de bergers, pacifique, à prendre les armes et résister. Il faut attendre cependant le milieu du XVIIIème siècle pour qu'après une succession d'aventures héroiques, la Corse connaissent les plus émouvantes pages de son histoire...

En 1732 au couvent d'Orezza, une consulta de patriotes proclament l'indépendance de l'île de Corse. Giacinto Paoli rédige un projet de constitution, dont le préambule decrète pour la première fois dans l'histoire de l'Humanité Les Hommes naissent libres et égaux en droit... Une phrase prémonitoire, qui un demi siècle plus tard sera reprise par tous les révolutionnaires du monde. Le Destin est en marche.

Le 14 Juillet 1735, Pasquale Paoli est élu Général des Corses. A la Cunsulta Nazionale, de Saint Antoine de Casabianca, la Corse devient nation. Le jeune chef d'état parviendra alors à réaliser la difficile unité du peuple, dote sa partie d'une exemplaire constitution démocratique qui institue la séparation des pouvoirs et le vote des femmes, relance l'économie agraire, fait frapper monnaie, fonde à Corté devenue capitale de la Corse une université et fait administrer une justice égale pour tous...

32 ans avant la première constitution américaine, 34 ans avant la révolution française de 1789.

Partout dans le monde cette fantastique expérience politique et sociale suscite l'admiration. Les philosophes et tous les esprits éclairés des Lumières saluent en Pascal Paoli le précurseur de la démocratie. En France Voltaire, après Jean-Jacques Rousseau lui tressent des louanges et prédisent l'universalisation de son oeuvre. En Angleterre, en Prusse, en Hollande, les penseurs, les Hommes de science donnent en exemple l'île de la Justice, l'île de Corse.

C'est alors en 1767 que la France de Louis XV achète à la République de Gênes une prétendue suzeraineté sur la Corse et décide de mettre au pas son peuple frondeur. Pour abattre Paoli et sa petite république, la Monarchie française constitue et dirige vers l'île un corps expéditionnaire de 40 000 hommes, et le 8 Mai 1769 dans les flots du Golu à Ponte-Novu, la Corse est défaite, conquise. Dans une farouche résistance, elle le demeurera...

Malgré cette conquête, suivie de l'éxil de Paoli en Angleterre, sa pensée intacte va servir de détonateur à d'autres révolutions dans le Monde. En 1787, les insurgeants américains offrent à leur nouvelle nation une constitution qui ressemble étrangement à celle de la Corse. L'affiliation des deux lois fondamentales est aujourd'hui historiquement prouvée. En 1789 et par contre-coup, les révolutionnaires français rédigeront La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.

Aujourd'hui encore, aux Etats-Unis, on se souvient du rôle de Pascal Paoli, l'inspirateur incontesté des fils de la Liberté, et sept villes portent les noms de Paoli, Corsica, Monticedu, Corsicana; à sa mémoire. Chez nous, il n'en est pas de même...

Si cette mémoire là n'a pas sa place dans les très officiels livres d'Histoire, elle est pourtant de ses Vérités que l'on doit aux Hommes, aux Peuples, à leurs luttes, leurs souffrances et leurs espoirs..."